- TRANSPORTS - Économie des transports
- TRANSPORTS - Économie des transportsLa notion d’activité de transport constitue, même pour le profane, un concept clair et bien défini. Pour l’économiste, cependant, la principale caractéristique du secteur des transports est son hétérogénéité. Ainsi, en France, le transport routier de marchandises, encore largement dominé par les petites entreprises artisanales, concurrence la S.N.C.F., puissante entreprise disposant du monopole de transport par fer, et rassemblant dans la même entité juridique la gestion des infrastructures et l’exploitation de services de transport. Le transport collectif à longue distance fonctionne dans un système de marché concurrentiel, selon lequel l’usager paie le coût de son transport, tandis que les transports collectifs urbains sont largement subventionnés, et soumis à la tutelle étroite des collectivités publiques. Les infrastructures sont tantôt directement construites et gérées par l’État (routes, voies navigables), tantôt confiées à des entreprises spécialisées, publiques ou privées (aéroports, ports, sociétés d’autoroutes).Les transports dans l’économie françaiseLa répartition des trafics par mode de transportLa répartition des trafics suivant les différents modes de transport (route, rail, air, voies navigables, etc.) est influencée par de nombreux paramètres.Dans les transports de voyageurs, les déplacements pour motifs professionnels à moyenne distance constituent le domaine où la concurrence, entre le rail (T.G.V., notamment) et l’air, est la plus vive. De même, la route et le transport collectif de voyageurs se disputent âprement les déplacements domicile-travail dans les grandes agglomérations. Partout ailleurs, le transport de voyageurs est très largement dominé par les déplacements en voitures particulières (tabl. 1).Le transport de marchandises est également dominé par la route, et la voie navigable n’occupe plus qu’une place marginale. La concurrence entre le rail et la route reste cependant vive sur les grands axes pour le transport sur longue distance, tandis que le rail, les voies navigables et les oléoducs dominent les transports de pondéreux (tabl. 2).Les transports dans la comptabilité nationaleLa comptabilité nationale s’intéresse aux activités des entreprises productrices de services de transport. Ces entreprises constituent la branche «transport» de la comptabilité nationale. Elles créent une valeur ajoutée qui contribue au produit intérieur brut (P.I.B.), somme des valeurs ajoutées au niveau national. En 1993, la valeur ajoutée de la branche transport représentait 4,3 p. 100 du P.I.B.La population active de la branche transport s’élevait à 870 000 personnes, contre 19 369 000 pour l’ensemble des branches.Mais la branche transport de la comptabilité nationale, qui représente la production de services de transport par des entreprises de transport, n’est pas complètement significative de la place des transports dans l’économie nationale, car une grande partie des services de transport est autoconsommée. Ainsi, l’utilisation de sa voiture par un particulier ne donne pas lieu à une production de services de transport au sens de la comptabilité nationale, ce service étant en effet produit par le particulier lui-même qui conduit sa voiture, à partir de l’achat de produits d’autres branches de l’économie: voiture (achetée à la branche matériels de transport), carburant, services d’assurance et de réparation.La consommation en transport des ménages se décompose en achats de véhicules, dépenses d’utilisation des véhicules et achats de services de transport collectif à des entreprises de transport (tabl. 3).Le transport individuel et collectif représentait ainsi, en 1993, près de 14 p. 100 du budget des ménages.La branche transport exclut également les entreprises qui, appartenant à diverses branches de l’économie, assurent des opérations de transport pour leur propre compte, en utilisant leurs propres véhicules: c’est ce qu’on appelle «transport pour compte propre» ou transport privé. En 1993, le transport pour compte propre représentait 28 milliards de tonnes-kilomètres, contre 88 milliards pour le transport pour compte d’autrui.Enfin, l’État et les collectivités locales consacrent des sommes importantes aux dépenses d’investissement et d’entretien des infrastructures de transport; ces dépenses en comptabilité nationale sont recensées non pas dans la branche transport, mais dans le compte des administrations publiques.Au total, on peut estimer que les activités liées au transport de personnes et de marchandises, dans une conception assez extensive (intégrant le transport pour compte propre, la construction et l’entretien des infrastructures et des matériels de transport, la production et la distribution de carburants, les services d’assurance liés au transport, la construction et l’entretien des infrastructures, etc., et bien sûr les entreprises fournissant sur le marché des services de transport comme la S.N.C.F. ou une société de taxi), représentent environ un cinquième de l’activité nationale.Les activités de transport, par ailleurs, consomment 25 p. 100 de la quantité totale d’énergie livrée en France aux utilisateurs finals.Les accidents de la route, enfin, ont fait en 1993 près de 190 000 victimes, dont plus de 9 000 tués.Les dépenses de transportLe secteur des transports est un des domaines privilégiés d’intervention des collectivités publiques, et cela à des titres divers. L’État et les collectivités locales sont tout d’abord des constructeurs d’infrastructures de transport (réseau routier, voies navigables). Quand la construction de ces infrastructures est à la charge d’entreprises de transport, l’État peut intervenir au moyen de subventions et de dotations en capital (S.N.C.F., R.A.T.P., aéroports et ports). L’État prend également en charge certaines activités annexes liées aux opérations de transport, comme la police de la route. L’État et les collectivités locales, en outre, imposent aux entreprises de transport de nombreuses contraintes de service public, qui peuvent donner lieu à compensation financière (cas des dessertes d’intérêt régional déficitaires de la S.N.C.F., par exemple). Enfin, la collectivité peut imposer une sous-tarification généralisée de certains services en contrepartie d’une indemnisation financière (R.A.T.P. et, plus généralement, transports urbains de voyageurs).Les dépenses de l’État pour les transports ont été évaluées en 1993 à 60 milliards de francs et celles des collectivités locales à 110 milliards de francs.Si l’État intervient largement dans les transports en construisant à ses frais un vaste réseau d’infrastructures, il trouve, en contrepartie, dans les transports une part importante de ses recettes fiscales. Les recettes liées à l’utilisation du réseau routier par les automobiles et les camions, qui reposent en grande partie sur la fiscalité sur les carburants, forment la grande majorité des ressources totales (126 milliards de francs en 1993 pour la taxe intérieure sur les produits pétroliers).Enfin, un bilan complet des coûts et avantages du transport pour la collectivité nationale, incluant les éléments difficiles à valoriser en termes monétaires, doit prendre en compte:– du côté des avantages, l’influence du transport comme outil de développement économique;– du côté des coûts, les accidents matériels, les blessés et tués, la destruction des paysages et de l’environnement, la contribution à la pollution, en particulier atmosphérique, les nuisances sonores, la contribution à l’effet de serre, etc.Les transports dans la théorie économiqueDu point de vue de l’analyse économique, il convient pour chaque mode de transport de distinguer deux sous-secteurs: d’une part, l’infrastructure (routes, voies ferrées, voies navigables, ports, aéroports), d’autre part, les prestations de services à partir d’engins mobiles. Ces deux sous-secteurs présentent des caractéristiques très différentes du point de vue de la théorie économique.Les infrastructures de transport se caractérisent par l’existence de très forts coûts fixes, et un rendement moyen croissant. La théorie économique indique alors que la gestion optimale de l’infrastructure nécessite l’intervention des pouvoirs publics. Il n’en est pas de même pour les prestations de services de transport. La règle générale est que, les infrastructures étant supposées exister, la fourniture de services par l’exploitation de véhicules de transport est une activité à rendement marginal décroissant. La gestion économiquement optimale du secteur peut donc se faire dans le cadre d’une économie de marché.Il en résulte un double rôle de l’État libéral en matière de politique économique des transports:– l’organisation du marché des prestations de services de transport, en s’assurant du fonctionnement d’une saine concurrence, comme sur tous les marchés concurrentiels;– une implication forte dans le choix des investissements d’infrastructure de transport et la définition d’une tarification de l’usage de ces infrastructures.La tarification des infrastructuresLa théorie néo-classique de l’allocation des ressources indique que l’optimum économique est obtenu avec une tarification au coût social marginal avec prise en compte des effets externes (accidents, pertes de temps causées aux autres usagers en contribuant à la congestion des infrastructures, pollution, bruit). Malheureusement, ce coût est très difficile à évaluer (coût des pollutions et des nuisances, en particulier), et une telle tarification aboutit généralement à ne faire supporter par les usagers qu’une partie des charges d’infrastructure, le budget de l’État devant intervenir pour couvrir les coûts fixes.Il en résulte aujourd’hui une tendance générale à s’éloigner des enseignements de la théorie néo-classique et à considérer tout simplement que les transports doivent supporter l’ensemble des charges financières qu’ils occasionnent: c’est la tarification à l’équilibre budgétaire. La Communauté économique européenne a recommandé, dès 1971, de faire payer l’ensemble des dépenses par les usagers.L’utilisation du calcul économique dans les transportsLes prévisions de trafic sont réalisées à partir de modèles économétriques. Les lois les plus classiques utilisées pour prévoir le trafic entre deux zones i et j sont de type gravitaire: le trafic Tij est directement proportionnel au potentiel d’émission Ui et Ui de ces deux zones, et inversement proportionnel à une résistance Rij . On a donc:Le potentiel U peut être représenté, par exemple, par la population de la zone ou encore par le revenu total de ses habitants. Comme résistance R, on utilise souvent le «coût généralisé» du transport entre les deux zones, qui inclut le coût monétaire du transport, mais aussi une valorisation monétaire du temps de parcours et éventuellement de l’inconfort du voyage. Le coefficient de proportionnalité k est déterminé empiriquement.L’évolution de la politique des transportsLa politique appliquée par les pouvoirs publics évolue sans cesse entre le libéralisme et l’interventionnisme. Les périodes de difficultés économiques ont toujours été marquées par une augmentation des interventions de l’État. Ainsi, après 1930, la crise économique a conduit à l’aggravation de la situation financière des chemins de fer, déjà touchés par la concurrence de la route. C’est à cette époque (décrets de 1934 et 1938) qu’est née la politique de «coordination» visant à freiner le développement du transport routier par l’institution d’un système de contingentement de sa capacité de transport.Après 1958, en période de croissance économique, l’évolution s’est faite dans le sens d’un assouplissement de la réglementation, dont le champ s’est progressivement réduit, conformément à l’esprit du traité de Rome.À partir du milieu des années 1980, la tendance à la libéralisation s’est accélérée en relation avec l’approfondissement de l’union européenne, fondé essentiellement sur une vision libérale. Cette avancée reste cependant très différente suivant les modes. Elle est, par exemple, très avancée dans le domaine aérien, mais reste largement à construire, à la fin de 1995, dans le transport ferroviaire. Et ce mouvement général vers la libre concurrence n’exclut pas des développements plus ponctuels vers plus d’intervention de l’État, quand de nouvelles difficultés se font sentir. Ainsi, pour répondre au défi d’une évolution toujours plus déséquilibrée des diverses composantes du territoire national, la loi sur l’aménagement du territoire, votée en 1995 par le Parlement, fixe des directives très strictes pour le développement du réseau autoroutier: en 2015, aucune zone du territoire national ne devra être située à plus de 50 kilomètres d’une autoroute.
Encyclopédie Universelle. 2012.